By : Kleis Jager, Paris – Le parti de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN), tient à être un parti normal et modère son ton depuis des mois. Cela semblait bien se passer, jusqu’à ce que un incident survenu jeudi au parlement français. Un de ses assistants a dit à un collègue noir de l’opposition de gauche de retourner en Afrique. Ou le voulait-il différemment ?
Le député noir Carlos Martens Bilongo, de la gauche radicale La France Insoumise (LFI), a posé jeudi une question à l’Assemblée nationale au sujet d’un bateau transportant des réfugiés en Méditerranée qui était en détresse. “Que compte faire le gouvernement ?”, a voulu savoir Bilongo.
“Qu’ils retournent en Afrique !”, s’écrie ensuite son collègue Grégoire de Fournas, de la RN. Il s’ensuit un tollé. Pas sur le fait que quelque chose avait été crié, car cela n’est pas inhabituel à l’Assemblée pendant l’heure des questions. La question était de savoir ce qui avait été crié exactement.
Le groupe LFI s’est uni pour exiger le départ de Fournas, un viticulteur de la région de Bordeaux, pour avoir prétendument dit que Bilongo – né en France mais d’origine congolaise – devait partir en Afrique. En français, la différence entre “il’ (il) et “ils’ (elle) ne s’entend pas. Fournas lui-même dit avoir crié “qu’ils retournent en Afrique’, (“let they go back to Africa”). Ses détracteurs sont sûrs qu’il s’agissait de “qu’il retourne en Afrique’, au singulier (“il/ils“) donc.
La réunion a été suspendue en raison des querelles. Chaque camp a donné une réponse dans la salle des quatre colonnes, une salle du Palais Bourbon sur la Seine où se réunissent la presse et les députés. Pour LFI, c’est clair : le masque du parti de Le Pen est tombé et on voit maintenant le vrai visage, raciste, d’extrême droite. Le RN l’a condamné comme un cas de mauvais tour. Marine Le Pen a expliqué sur Twitter que Fournas faisait référence aux “migrants transportés par les ONG” et non à Carlos Martens Bilongo, qui était professeur d’économie en région parisienne avant son élection. “Les Français le comprennent et ne tomberont pas dans l’escroquerie de nos adversaires”, a-t-il déclaré. Grégoire de Fournas lui-même s’est présenté devant la presse pour dire que, bien sûr, il n’avait pas voulu dire que son collègue devait aller en Afrique, mais que sa préoccupation était les migrants. “C’est tout simplement la position de notre parti”, a-t-il ajouté. “Nous devrions raccompagner les migrants en Méditerranée vers l’Afrique et non les sauver en les emmenant en Europe. Je n’ai vraiment rien dit de bizarre.” Il a également envoyé une lettre à Bilongo, lui disant qu’il s’agissait d’un malentendu et qu’il était vraiment désolé. Ce qui est frappant, c’est l’empressement avec lequel l’opposition de gauche utilise l’incident pour attaquer “la vraie nature du parti de Le Pen” – qui, avec 88 sièges sur 577, a obtenu un score beaucoup plus élevé que prévu lors des dernières élections législatives de juin. Mais le parti de Macron – Renaissance – a également souligné que l’incident montre clairement que la volonté de Le Pen de “dédiaboliser” – c’est-à-dire un parti exempt d’antisémitisme et de racisme – est une opération de marketing. Même le Premier ministre Élisabeth Borne et le président lui-même ont révélé que le racisme n’avait pas sa place dans la politique française. Aujourd’hui, le présidium de l’Assemblée examine si Fournas doit être puni. LFI et Renaissance demandent la sanction la plus sévère possible, qui revient à une suspension de plusieurs mois. Les Verts de Europe Écologie Les Verts (EELV) demandent que les députés RN soient également interdits d’être vice-présidents de commissions et d’être membres de groupes d’étude dans le processus.
Tout le monde est très curieux d’entendre le verdict du présidium.
Arriver à la conclusion que Fournas faisait effectivement référence au bateau de migrants et non à Bilongo lui-même ne sera pas facile, étant donné la pression qui s’est maintenant exercée. C’est pourtant l’interprétation la plus évidente. La réaction calme de Bilongo à l’exclamation de Fournas suggère également que nous devrions le comprendre de cette façon. Vouloir renvoyer les migrants en Afrique peut être considéré comme inhumain ou obtus, en tout cas ce n’est pas raciste.
Mais avec cela, Le Pen n’en est pas encore là. Car Fournas a depuis supprimé quelques tweets rageurs sur l’immigration. Celles-ci montrent qu’il est difficile de débarrasser le RN d’éléments trop populaires pour en faire un mouvement nationaliste soigné qui ne veut rien savoir de l’ethnonationalisme.
Par exemple, lorsque le Mali a renvoyé l’ambassadeur français chez lui au début de l’année, Fournas a annoncé que la France devait mettre tous les Maliens dans un avion.
Et en 2017, il a tweeté qu'”ils aiment particulièrement les avantages français en Afrique”. C’était en réponse à quelqu’un du VVD français (Les Républicains) disant que la République française ouvre ses bras aux immigrants qui aiment la France.
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